L’historique de la cohabitation

La cohabitation au Danemark : là où l’aventure a commencé.

par Danny Milman – The Cohousing Company, ca 1994

C’est au début de l’hiver 1964 que la toute première tentative de création d’une communauté danoise de cohabitation a eu lieu, alors que l’architecte danois Jan Gudmand-Hoyer a rassemblé un groupe d’amis pour discuter des diverses options d’habitation. Pendant plusieurs mois, ce cercle d’amis a discuté des possibilités de créer un environnement de vie plus solidaire. Vers la fin de l’année, ce groupe avait acheté un site aux abords de la ville de Copenhague et élaborait des plans pour construire douze maisons en terrasse autour d’une maison commune et d’une piscine. Bien qu’ils aient l’appui des autorités municipales , ils n’avaient pas celui des voisins et le groupe a fini par vendre le site sans y bâtir quoi que ce soit. Gudmand-Hoyer a alors eu l’idée d’écrire un article intitulé « Le chaînon manquant entre l’utopie et la maison unifamiliale démodée (The Missing Link between Utopia and the Dated One-Family House) » dans lequel il décrivait les idées et le projet de son groupe. La parution de cet article dans un journal national en 1968 a suscité des réponses de plus de 100 familles qui se disaient intéressées à vivre dans une telle communauté.

Au même moment, d’autres personnes écrivaient des propos similaires, notamment Bodil Graae. Son article paru en 1967, intitulé « Les enfants devraient avoir 100 parents (Children Should Have One Hundred Parents) », a motivé un groupe de 50 familles intéressées par la création d’une « habitation collective avec un dénominateur commun – aussi pour enfants ! »

Ces groupes ont uni leurs forces en 1968 et ont fondé deux sites, l’un à Jonstrup, un petit village près de Copenhague, et l’autre près de Hillerod. Vers la fin de l’année 1973, ces deux communautés, Saettedammen et Skraplanet, en avaient terminé la construction.

Une troisième communauté, Nonbo Hede, a été formée en 1976 près de Viborg. Ces premières communautés de cohabitation constituaient les premiers pas vers les idéaux établis par Gudmand-Hoyer et Bodil Graae, mais elles n’ont jamais été considérées comme la concrétisation de tout ce que la cohabitation devrait être. Bien que les initiateurs recherchaient une mixité de résidents d’âges et de revenus différents, les réalités sociales et financières leur ont imposé des compromis s’ils voulaient réaliser ces projets.

Dès 1968, Gudmand-Hoyer travaillait avec un groupe pour développer un projet de cohabitation plus collectif et mieux intégré. Connue sous le nom de projet Farum, la conception de ce projet prévoyait des habitations pour les familles et les célibataires, regroupées autour d’une aire intérieure commune qui comprenait une école, toutes connectées par une rue piétonnière recouverte de verre. Lors d’une foire commerciale sur l’habitation tenue en 1970, cette proposition a suscité l’intérêt de plusieurs promoteurs d’habitations sans but lucratif. Entre-temps, en 1971, l’Institut danois de la recherche sur les bâtiments a commandité un concours national de design axé sur le regroupement d’habitations de plain-pied. Toutes les propositions gagnantes mettaient l’accent sur les installations communes et la participation des résidents au processus de conception. Le concours a bénéficié d’une vaste campagne publicitaire et a eu des répercussions importantes sur le débat danois portant sur l’habitation. Cinq ans plus tard, Tingjardin, la première communauté de cohabitation locative conçue par la firme architecturale gagnante Vandkunsten, commanditée par l’institut et construite par un promoteur d’habitations sans but lucratif, était terminée. Vers 1982, 22 communautés de cohabitation occupées par des propriétaires étaient construites au Danemark.

Chaque communauté de cohabitation établie avait rencontré d’immenses difficultés, en particulier sur le plan financier. En 1978, afin d’aider les groupes de résidents au cours des étapes de planification, Gudmand-Hoyer et un groupe d’autres professionnels ont formé une association de soutien appelée SAMBO (qui peut se traduire grossièrement comme « vivre ensemble »). L’adoption en 1981 de la Loi sur l’association d’habitation en coopérative a permis d’offrir du soutien additionnel, grâce à la législation nationale qui a rendu plus facile et moins dispendieux le financement des projets de cohabitation. Depuis ce temps, la plupart des communautés de cohabitation danoises ont été structurées comme des coopératives à capital limité, financées au moyen de prêts commandités par le gouvernement, y compris 10 communautés de cohabitation en location.

Après le scepticisme initial, la cohabitation a su gagner le soutien du gouvernement danois et des institutions financières. Les banques ont été particulièrement attirées par ces projets, puisque la plupart des unités de cohabitation sont prévendues bien avant leur construction, constituant ainsi un atout dont peu d’ensembles résidentiels pouvaient profiter. Les idées sur la cohabitation ont fait leur chemin dans la société danoise; les promoteurs immobiliers spéculatifs en cohabitation ont intégré les concepts de la cohabitation et les collectivités plus anciennes ont organisé des repas participatifs.

La cohabitation est dorénavant une option d’habitation bien établie au Danemark. Non seulement la construction de nouvelles communautés se poursuit, mais le concept a été intégré aux plans directeurs de larges secteurs propices à la création d’ensembles résidentiels. Le concept de la cohabitation a beaucoup évolué depuis que Gudmand-Hoyer a commencé à discuter d’environnement de vie coopérative, il y a près de trois décennies. La taille moyenne des résidences individuelles dans les nouvelles communautés est près de la moitié de celle des projets d’origine. Bien que la taille des résidences individuelles ait été réduite, celle des installations partagées a augmenté en proportion et en importance relatives. Les résidents en cohabitation ont choisi de regrouper leurs résidences de manière plus serrée, ce qui ressort surtout dans les nouvelles communautés qui connectent leurs habitations et leurs installations communes sur un seul étage, et sous un même toit. La gamme des unités, ainsi que la mixité des résidents et des types de ménage se sont grandement diversifiées. Les critiques antérieures sur la cohabitation, qui la présentaient comme une option haut de gamme et hors de portée des gens ordinaires, ne tiennent plus la route au Danemark. La volonté croissante des résidents de vivre ensemble de manière rapprochée reflète le regain de confiance envers ce concept de cohabitation, alors que les gens en reconnaissent les avantages et en apprennent davantage, grâce aux communautés existantes.